Question orale à la ministre Sabine Laruelle sur "l'exportation subsidiée de viande de porc à destination de l'Afrique" (Commission de l’economie 01-07-2008)
Thérèse Snoy (Ecolo-Groen!): Madame la présidente, madame la ministre, un communiqué de l'ONG APRODEF, qui travaille dans le cadre d'un projet d'agro-export, indique que, ces dernières dix années, l'Union européenne aurait connu une croissance de 500% de ses exportations de viande de porc à destination de l'Afrique subsaharienne, passant de 27.000 tonnes à 146.000 tonnes en 2007. Six pays de l'Union en sont particulièrement responsables, dont la Belgique.
J'apprends aussi qu'un règlement européen garantit, depuis le 1er décembre 2007, un remboursement à l'exportation de certains morceaux de viande de porc, sans restriction quant à la quantité ou la destination de vente. Ce règlement concernerait 35% des exportations pour un coût total de 85 millions d'euros. L'ONG affirme aussi que les conséquences de cet avantage à l'égard du secteur de la viande ne se sont pas fait attendre: l'exportation de viande de porc a augmenté, ce qui se traduit par une hausse des ventes de viande de porc sur les marchés africains, en particulier de bas morceaux, moins chère que celle produite localement. Du coup, les fermiers locaux ne pouvant faire face à cette concurrence, on assiste au déclin de la production locale, de meilleure qualité que celle importée de l'Union européenne, selon le communiqué. Je vous en laisse juge, mais le problème de cette concurrence vis-à-vis des producteurs locaux se pose de façon aiguë.
Pouvez-vous me confirmer les chiffres que je vous ai énoncés? Quelles sont les raisons et les modalités exactes de cette réglementation européenne? Quels sont les chiffres de l'exportation de viande de porc pour la Belgique ainsi que les quantités subsidiées et leur coût?
Sabine Laruelle, ministre: Madame la présidente, chères collègue, en ce qui concerne les communiqués, autant il est bon de les relayer, autant il convient parfois de les soumettre à analyse. Quant à la qualité, je veux bien entendre des tas de choses, mais il ne faut pas critiquer notre production. Je découvre deux discours dans les questions de Mme Snoy. Il faut prendre garde à relayer des affirmations; en effet, sans dénigrer la qualité de la viande porcine produite dans ces pays, je ne suis pas sûre qu'elle soit supérieure à celle produite en Europe au vu des normes et des contrôles obligatoires. Attention à distinguer "qualité" et "qualité", "quantité" et "quantité", ainsi que sécurité alimentaire; les notions peuvent différer. Mais je referme la parenthèse.
Quant aux chiffres que vous me citez, s'agissant de montants repris pour toute l'Europe, je n'ai pu les faire vérifier en un laps de temps aussi restreint. Si l'on se réfère au "fact sheet" du 8 mai 2008, l'étude se base sur des données issues d'Eurostat; a priori, je ne vois aucune raison de remettre en cause ces statistiques. En ce qui concerne le volume des importations dénoncé par Mme la députée, si nous le rapportons à la population de ces régions, nous voyons qu'il représente environ 190 grammes par habitant par an. Il va de soi que ces éléments ne nous incitent pas à considérer que ces exportations menacent réellement le développement de la production locale. Si nous nous rappelons le niveau de production qu'atteignent certains pays, ce ne sont pas 190 grammes en plus par habitant qui vont changer la donne, d'autant que beaucoup ne sont pas autosuffisants.
La part de la Belgique représente 2,4% du volume européen et connaît une constante diminution depuis plusieurs années. Donc, reprendre la Belgique parmi les grands exportateurs me semble une opinion qui doit être quelque peu relativisée. Concernant les remboursements à l'exportation dont vous avez parlé, il ne s'agit en réalité pas de remboursements, mais de subventions aux exportations. Ce mécanisme européen bien connu a pour but de compenser la différence de prix, plus importante en Europe que sur le marché mondial, vu les contraintes en termes de bienêtre, de sécurité alimentaire qui sont imposées à nos producteurs.
Vous savez peut-être que le secteur porcin européen traverse une crise très grave depuis plusieurs mois. J'ai d'ailleurs demandé à plusieurs reprises, avec les Régions, à la Commission européenne de prendre des mesures. Elle avait édicté un règlement fixant de nouvelles restitutions à l'exportation relatives à la viande de porc fraîche réfrigérée ou congelée. Couplée au stockage privé, cette mesure avait pour finalité de soulager le marché intérieur, dont les prix s'étaient effondrés de manière catastrophique. Durant l'année 2007 en Belgique, 1.200.000 euros ont été payés et répartis entre viande séchée et fumée, saucisses (4%), conserves (3%) et autres préparations (93%). Les principales destinations sont la Russie, la Corée, l'Ukraine et les Philippines.
Lors des négociations à l'OMC, nous en avons parlé à plusieurs reprises. Je peux vous rejoindre sur un constat: ce type de mécanisme de subventions aux exportations qui permet d'oxygéner un peu le marché intérieur est néanmoins susceptible de créer des distorsions de concurrence au détriment des pays importateurs. C'est pourquoi l'Union européenne propose d'abandonner l'ensemble des restitutions aux exportations en 2013, si et seulement si les autres pays agissent de même. Les Etats-Unis développent des crédits aux exportations, octroient des aides alimentaires, tandis que le Canada, la Nouvelle-Zélande et d'autres détiennent des monopoles d'État à l'exportation. Il importe donc que tout le monde fasse un geste équivalent.
Madame Snoy, j'ouvre ici une parenthèse. Quand vous rencontrez les agriculteurs, il faut avoir l'honnêteté de faire part de ces remarques, comme celles que vous aviez faites à propos de la diminution de la consommation de viande. Je trouve qu'il n'est pas correct de tenir deux discours différents selon l'endroit où l'on se trouve!
Thérèse Snoy (Ecolo-Groen!): Madame la ministre, quand vous parlez de 190 grammes par habitant par an, il s'agit d'une statistique pour l'ensemble de la population d'Afrique sub-saharienne. En ce qui concerne le problème de la qualité de la viande, l'ONG disait qu'il était dû au fait qu'on ne gère pas correctement la chaîne du froid en Afrique et qu'on risque de trouver sur les marchés des morceaux de viandes qui ont été congelés plusieurs fois. Il s'agit aussi d'une viande qui ne se vend pas ici en Europe. On peut en penser ce que l'on veut.
Cela dit, madame la ministre, je vous remercie pour les précisions que vous avez apportées. Ma critique essentielle porte sur la concurrence des prix car, d'après cette même source, on arrive à des prix très bas, qui vont de 0,35 à 0,70 euro le kilo. Ces prix défient donc toute la concurrence locale et je trouve cela regrettable. Je suis satisfaite du fait que le système des restitutions à l'exportation sera abandonné en 2013. C'est une question de morale internationale. Et même si les autres n'en font pas de même, il y aura quand même une certaine pression sur leurs épaules. C'est comme avec l'énergie, l'Europe peut faire mieux!
Quand vous m'accusez de double langage envers les agriculteurs, je ne vois pas ce que vous voulez dire. Si vous visez notre présence à la manifestation des agriculteurs sur les quotas laitiers, nous sommes sincèrement favorables à ces quotas et à la poursuite d'une production de lait en Belgique. Par ailleurs, je ne change pas mon discours en ce qui concerne la consommation de viande. Je n'ai pas demandé que les gens deviennent végétariens; je pense qu'il est bon, à la fois pour la santé et pour la planète, de consommer moins de viande. Et quand on se trouve à la place du législateur ou du ministre, il faut peut-être réfléchir au fait de soutenir le secteur de la viande autrement que sur la quantité. On peut continuer le débat mais je récuse le fait de pratiquer un double langage.
Sabine Laruelle, ministre: Quand ils ont manifesté, ce n'était pas seulement à cause du lait mais aussi en raison de la crise du secteur bovin, notamment liée à la maladie de la langue bleue. Bon nombre de producteurs de porcs étaient également présents. Je vous rappelle qu'à côté du lait, il y a forcément production de viande puisque le veau mâle ne donne pas de lait: il sert nécessairement pour la viande. On ne peut donc pas découpler aussi facilement les deux spéculations.
Thérèse Snoy (Ecolo-Groen!): Il s'agissait ici d'un cas de production herbagère, d'un mode de production acceptable en Wallonie et que je suis prête à soutenir, mais pas dans ses formes les plus intensives, comme vous le savez bien.
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